Entrevue avec Joy Abasta, une nouvelle citoyenne qui s’exprime à propos de la fête du Canada, des peuples autochtones et de la colonisation

07.07.2020

En prévision de la fête du Canada, nous avons passé une entrevue avec Joy Abasta, une nouvelle citoyenne canadienne originaire des Philippines, à propos de ce que la fête du Canada représente pour elle et de ce qu’elle a prévu pour souligner cette journée.

Cette entrevue a été modifiée pour des raisons de clarté et de longueur.

L’Institut pour la citoyenneté Canadienne : Comment prévoyez-vous célébrer la fête du Canada?
Joy Abasta: J’y ai beaucoup réfléchi, parce que la Journée nationale des peuples autochtones est célébrée le 21 juin et que c’est très proche de la fête du Canada, qui a lieu le 1er juillet. Avant, je célébrais toujours la fête du Canada, parce pour moi en tant qu’immigrante, c’est finalement l’occasion de célébrer avec les Canadiens. Je suis ici et tout le monde est libre. Nous essayons tous d’être justes et polis et nous sommes reconnus ailleurs dans le monde comme étant des gens sympathiques, qui disent toujours « merci » et « désolé·e ».  Mais lorsque j’ai commencé l’école en septembre 2019 et que je me suis plongée dans les études autochtones, j’ai réalisé que l’histoire du Canada avait un côté particulièrement sombre. Maintenant, je suis un peu partagée.

Mon conjoint et moi en parlions juste ce matin… nous nous sommes demandé comment nous pouvions célébrer à la fois la culture autochtone et le Canada comme tel. Il a alors dit : « Oh, tu sais quoi? Nous pouvons aller faire un tour à Squamish puisqu’il y a aussi beaucoup d’histoire là bas.  Puis, nous pourrons chercher des œuvres d’art autochtones, partir en randonnée et bien d’autres choses ». En plus, il y a une appli qui a été créée par le Dr Rudy Reimer, elle s’appelle Ímesh. Il suffit de l’ouvrir pour savoir sur quel territoire on est lorsqu’on se promène. Elle donne le nom de l’endroit et à quoi il sert, pour la cueillette de petits fruits ou pour la pêche et d’autres choses encore. C’est donc ce que nous allons probablement faire.

Qu’est-ce qui vous a poussée à vouloir découvrir les cultures et les communautés autochtones?
J’ai emménagé ici en 2014, et à l’époque, je ne savais rien de la culture autochtone. J’ai commencé à faire du bénévolat pour différents organismes et en 2016, j’ai travaillé comme bénévole au Centre de maintien de l’ordre communautaire de Vancouver, dans la partie ouest. Tout le monde parlait de la Marche de la réconciliation. Je me suis donc inscrite parce que j’avais besoin des heures de bénévolat pour le mois, puis j’ai réalisé que c’était pour les communautés autochtones. Je pense que c’est à ce moment-là que tout a véritablement commencé pour moi, cela a amorcer les discussions et a attisé ma curiosité.

Avant d’emménager ici, j’avais entendu dire tellement de bien à propos du Canada, comme « C’est mieux que les États-Unis parce qu’il y a des soins de santé ». Quand j’ai débarqué ici et que j’ai vu ce que je faisais au centre de maintien de l’ordre, j’ai été constaté ce qui s’était passé dans les communautés autochtones et ce qui leur était arrivé – l’assimilation, le génocide. C’était horrible. C’est toujours difficile d’en parler, même avec mes élèves à l’école, parce que moi aussi, je découvre tout cela. Pourtant, nous devons tous parler de ces moments difficiles. Depuis lors, chaque fois que je pars à la découverte d’une nouvelle ville au Canada, j’essaie de me faire un devoir d’aller voir s’il y a une œuvre d’art autochtone, peut-être un musée, ou quelque chose qui met en valeur l’histoire des communautés autochtones qui y vivent.

Qu’est-ce qui vous pousse à vouloir encore en apprendre davantage?
Je vois des similitudes entre ce qui s’est passé au Canada et ce qui s’est passé aux Philippines. Les Philippines ont aussi été colonisées, par les Espagnols. Aux Philippines, j’ai toujours entendu parler de la colonisation, mais c’est tout. Je n’ai pas réalisé le poids de ce mot, jusqu’à ce que j’emménage ici et que je réalise ce qui s’était passé pendant la colonisation et ce qui était arrivé aux peuples autochtones du Canada. Le Canada est mon pays et peut-être que je fais de la projection, mais je veux aussi être une alliée des populations autochtones. Je ne pourrai jamais ressentir le traumatisme qu’ils ont vécu, mais comme étudiante en santé publique, et je l’espère, comme fonctionnaire de la santé publique plus tard, je pense qu’il est vraiment important pour ma carrière de toujours penser aux personnes noires, autochtones et de couleur. Ici à Vancouver, ou en Colombie-Britannique, on en parle encore beaucoup. J’ai donc voulu devenir une alliée pour essayer de creuser davantage et amener les gens autour de moi à réfléchir à ce qui se passe autour de nous. La plupart du temps, les gens peuvent ignorer ce qui arrive aux autres autour d’eux, en particulier si ces autres ne sont pas de culture ou d’origine semblable.

Comment avez-vous découvert les communautés et les cultures autochtones?
Si je vais quelque part, comme à Whistler, je visiterai toujours les musées qui présentent l’histoire et la culture autochtones. Je crois que les musées ont été ma première ressource pour découvrir les populations autochtones. Puis, j’ai commencé l’école en septembre 2019, je le dois aux professeurs et aux superviseurs que j’ai eus, parce que je suis également un AE [aide-enseignante] en études autochtones.  Dre Joyce Schneider, Dr Rudy Reimer et Dre Madeline Knickerbocker en savent beaucoup sur les études autochtones. Les Dres Rudy et Joyce sont membres de la communauté autochtone et Madeline est une blanche qui travaille depuis environ 10 ans sur les communautés Stó:lō en Colombie-Britannique. Je suis vraiment contente de les connaître.

En quoi est-ce que célébrer les cultures autochtones fait partie de la célébration de la fête du Canada? En quoi est-ce que cela n’en fait pas partie?
Nous devons célébrer la culture autochtone ainsi que les peuples et les communautés autochtones le jour de la fête du Canada. Je ne sais pas si le terme « célébrer » est adéquat, mais il faut simplement reconnaître qu’ils étaient ici les premiers, depuis au moins 12 000 ans avant l’arrivée des colons blancs ou des colonisateurs. À quoi servent la réconciliation et les autres actes de décolonisation que nous posons chaque jour si nous ne pouvons faire de la fête du Canada une célébration qui vaut la peine?

Comment êtes-vous restée en contact avec la culture et l’art autochtones pendant la pandémie?
Cela a été dur, c’est certain. Il existe une tonne de ressources en ligne et j’ai eu la chance d’être encore AE, de sorte que je me sens encore liée à mon soutien aux populations autochtones. Ce que j’ai fait cet été, jusqu’à présent, c’est d’apprendre à prononcer des mots ou des termes précis dans une langue autochtone. Je crois qu’il y a plus de 600 langues autochtones au Canada, mais ici à Vancouver, la langue principale est le hul’q’umi’num’. J’essaie d’apprendre à dire « bonjour » et « merci », vous savez, des mots de base dans leur langue. Les langues autochtones sont en train de mourir; peu de peuples autochtones savoir les parler, en raison de la colonisation et de l’assimilation. Donc, moi, je veux juste essayer de faire un effort pour apprendre ces mots courants, parce que la langue fait vraiment partie intégrante de la culture de chacun.

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